A chaque fois que cette question vient dans l’actualité, les esprits s’échauffent. Récemment, entre quelques députés voulant engager le débat sur la légalisation du cannabis et le tragique assassinat d’un policier près d’un point de deal à Avignon, commentateurs et politiques avaient tous des avis tranchés. Des analyses « pointues » ont été fournies et des débats engagés.
Je note que, très rapidement, les « sauvageons » viennent au cœur de la question. Les dealers et les « quartiers » sont forcément désignés comme origines et lieux des problèmes. Les délinquants, jeunes forcément et, pourquoi pas après tout, d’origine arabe, terrorisent le quotidien des populations locales, dégradent immeubles et environnement. Policiers, pompiers et autres corps de métiers essentiels à la protection des personnes ne peuvent plus entrer dans « ces territoires de la République ».
Pour être honnête, je n’ai jamais vécu dans un tel quartier comme, d’ailleurs, la grande majorité qui s’exprime sur la question. A ce sujet, je distingue 4 catégories différentes d’intervenants : les politiques qui s’indignent, les médias assoiffés de débats et de nouvelles sensationnelles, les habitants et associatifs souvent résignés et fatigués, et les sociologues et autres scientifiques qui analysent plus ou moins froidement.
A l’instar de beaucoup, je ne vais pas parler de ce que je ne connais pas. Je ne peux qu’imaginer la détresse des populations et la dureté que cela doit être de vivre dans de telles conditions. Toutefois, ma réflexion va plus loin, et on ne l’entend que trop peu, puisque à cette situation s’ajoute la pauvreté, le chômage, l’état, souvent, dégradé des habitations, la surpopulation, les commerces de proximité inexistants, les conditions d’éducation en déliquescence… A mon sens, la question du trafic des drogues doit être analysée selon cette situation plus globale.
A chaque fois, les débatteurs débattent, critiquent, s’engueulent parfois. Les politiquent s’offusquent et promettent des jours meilleurs. Jusqu’à la prochaine fois…
Mais il y a deux points sur lesquels je voudrais interroger.
En premier lieu, et j’enfonce évidemment une porte ouverte, le trafic de drogues est un marché. Il y a donc 3 éléments distincts : des vendeurs, des acheteurs qui, pour la majorité ne viennent pas des quartiers évoqués plus haut, et les produits. Tous se focalisent sur les vendeurs délinquants et les acheteurs drogués. En revanche, je n’ai pas entendu de spécialiste dire que, sans les produits, de fait, le marché disparait. Ma réflexion est donc que, plutôt que s’acharner à verbaliser les consommateurs, pourchasser les trafiquants, ne devrait-on pas mettre l’essentiel des efforts de police et de justice sur l’éradication des filières d’approvisionnement ? J’imagine que douaniers, services de renseignements et policiers s’y emploient. Toutefois, dans les faits, si l’essentiel des forces est consacré aux contrôles de nos frontières nationales, la cause est perdue. C’est au niveau européen qu’il faut sévir. Certes, il existe des organismes tels EUROPOL, mais, une fois de plus, c’est la coopération renforcée des Etats européens, au minimum de l’espace Schengen, qui doit être activée de manière efficace et opérationnelle, avec des moyens humains et matériels conséquents. Vérifier et bloquer la marchandise à ce niveau permettraient, à tout le moins, de diminuer les flux et, donc, de raréfier, voire de faire disparaître, les produits.
Je suis persuadé, sur ce sujet comme dans beaucoup d’autres, que si la coopération entre les Etats européens était plus naturelle et efficace, des solutions pourraient être approchées.
En second lieu, et je suis certain que ce schéma peut s’appliquer au terrorisme et pour le trafic d’armes, il faut « taper au portefeuille ». Tous les spécialistes s’accordent sur le fait que les trafics de stupéfiants génèrent de très importants revenus financiers. Ainsi, ne serait-il pas efficace de suivre de près l’usage de ces sommes ? Je donne un exemple : pour toute personne achetant un bolide neuf à plusieurs centaines de milliers d’Euros, ne pourrait-on lancer une enquête discrète pour connaître l’origine de cet argent ? Cette démarche pourrait d’ailleurs se généraliser à tout acquéreur de ces véhicules et, toujours, dans une réalité européenne.
J’imagine, et espère, que les services en charge ne m’ont pas attendu pour réfléchir et agir. Mes questions et réflexions sont que, devant des situations complexes, il n’y a pas que des réactions binaires, des commentaires vus et revus. Comme on dit aujourd’hui, l’intelligence collective est à prendre en compte. A condition de bien vouloir considérer que tous puissent réfléchir et que le monde ne soit pas composé des compétents d’un côté et de la « masse » de l’autre…
A bientôt
Frédéric