Il y a quelques jours, j’ai suivi une très intéressante interview de Thierry Breton, Commissaire européen en charge, entre autres, du marché intérieur. Les médias français l’ont interrogé sur nombre de sujets, évidemment, qui concernaient essentiellement la France. Un moment, à une question sur la crise sanitaire (Thierry Breton ayant été chargé de la mise en place de la production des vaccins sur le territoire européen), le Commissaire européen s’est amusé (ou agacé) et a ainsi répondu : « vous faites une réflexion très franco-française », « en France, quand il y a un problème, on pense taxes » (ou, et là c’est moi qui l’ajoute, punition), « en Europe, quand il y a un problème, nous nous asseyons autour de la table, discutons et trouvons des solutions ». Voici donc deux approches radicalement différentes : la sanction ou le compromis, le châtiment ou l’alliance, la pénitence ou l’accord. Je veux ici rappeler que l’Union européenne regroupe 27 Etats-membres et que, pour nombre de décisions politiques, l’unanimité des responsables politiques est requise. Parfois, la majorité est simplement demandée par les textes. Dans tous les cas, on l’aura compris, les décisions nécessitent échanges, négociations et ententes. Cela explique bien entendu le temps relativement long des prises de décisions européennes. Je tiens à préciser « relativement » car, malgré les contraintes que j’ai citées, tous les jours des textes européens sont publiés au Journal officiel.
Ce n’est pas sur les mécanismes européens que je veux m’exprimer mais plutôt sur les mentalités, les processus en politique et la relation avec les médias.
Si on prend l’exemple de l’Allemagne, au lendemain des élections, tous les responsables, de tous les partis ayant atteint le pourcentage minimum pour pouvoir faire partie du futur gouvernement, se réunissent pour discuter des requis de chacun et tenter d’élaborer un programme commun de coalition. Sans invectives, laissant la campagne électorale derrière eux, femmes et hommes politiques vont essayer de trouver des accords en faisant des concessions. Si, lorsqu’un gouvernement est formé sur les bases communes, un point de l’accord global n’est pas respecté, la coalition peut être affaiblie ou, encore, exploser en vol et, ainsi, provoquer de nouvelles élections.
Le système français, voulu et mis en place par le Général De Gaulle, est bien entendu totalement différent puisque la Vème République repose sur un Président de la République fort, soutenu par une majorité à l’Assemblée nationale. Même si, et on en a eu 2 exemples depuis 1958, il n’a pas de majorité, le Président peut gouverner malgré tout avec un Premier ministre d’un autre bord politique que le sien. Ainsi, François Mitterrand était Président alors que Jacques Chirac occupait le poste de Premier ministre. De même, Jacques Chirac, Président, a eu Lionel Jospin (Socialiste) comme chef du Gouvernement.
En France, on aime le conflit, les débats musclés, les propos parfois extrêmes (mais qui, aujourd’hui, ne gênent presque plus personne), c’est l’escalade permanente des promesses politiques (auxquelles la plupart ne croient plus), la politique est devenue le champ dans lequel la communication trace son sillon de plus en plus profondément. Les médias, friands de toute cette effervescence, n’hésitent jamais à s’en faire le relais, voir en exagérer l’importance réelle. Si je parle de « relais », c’est à dessein. En effet, trop souvent, ils ne font que réitérer des propos, déclarations ou positionnements, des uns et des autres sans en analyser le contenu et aller sur le fonds des choses. En bref, ils ne font pas toujours leur métier de journalistes qui devrait consister en réfléchir et travailler le fonds des contenus pour apporter des éléments avec une vision différente de ceux des politiques.
Vous voulez des exemples concrets illustrant mes propos ? Bien, je vais donc revenir à mon propos liminaire et l’heure d’interview de Thierry Breton.
Les 3 intervieweurs, chacun travaillant dans un média national réputé, ont ainsi eu l’air étonnés d’apprendre que l’Europe est le premier producteur au monde de vaccins contre le COVID. Sérieusement, un petit travail, en amont, de collecte des chiffres officiels, de croisement des données et d’analyse aurait évité cet étonnement presque gênant et aurait permis de traiter le sujet plus au fonds ou de passer à un autre propos. Plus tard, l’information donnée par Thierry Breton était transformée en « l’Europe, plus grande pharmacie du monde » par un « journaliste » sans doute trop pressé pour penser.
Dans la même lignée, un des intervieweurs lance le sujet de la crise actuelle des semi-conducteurs en parlant d’une pénurie possible pour les jouets à Noël. Heureusement que le Commissaire européen était là pour recadrer le débat et expliquer le contexte géopolitique, économique et industriel global de la situation. Et encore un nouvel étonnement lorsque Thierry Breton leur apprend (c’est une information tout à fait publique) que, d’ici à la fin de son mandat de Commissaire, il y aura au moins deux usines de production de semi-conducteurs sur le territoire européen. L’unique réaction de nos limiers zélés et affutés, une question répétée à de multiples reprises : « il y aura une usine en France ? ». Sans, cette fois, trop cacher son agacement, la réponse, reprise plusieurs fois : « Elles seront sur le territoire européen ». N’y avait-il pas des questions plus pertinentes à poser ?
Encore un sujet de surprise pour nos chers détectives ? Le Commissaire européen leur a annoncé que, quelques jours auparavant, il, avec d’autres membres de la Commission, s’est rendu à Washington afin d’échanger avec son homologue américain sur les possibilités d’harmoniser l’envoi de vaccins anti-COVID sur le continent africain. En effet, les USA sont très en retard sur l’Europe sur cette question. Il suffisait juste de consulter l’agenda officiel de Thierry Breton et de consulter les communiqués de presse officiels pour s’éviter d’être ainsi ébahi…
Pour terminer et, là, c’est moi qui suis agacé, la couverture médiatique de celui qui pourrait, mais n’est pas encore ou ne pourrait pas, être candidat à la prochaine présidentielle, Eric Zemmour. Il est partout, sur tous les médias, que ce soit à la plage, à Budapest ou dans divers rassemblements. Les médias se délectent et relaient la moindre de ses paroles même racistes, contre les femmes ou pour de simples prénoms. Certes, vous me direz que c’est de même pour Emmanuel Macron. Tous les jours, une nouvelle annonce fracassante accompagnée de promesses engageant plusieurs millions d’Euros. Il n’a même pas eu le temps d’être, physiquement ou virtuellement, présent à l’Assemblée générale annuelle de l’ONU. Mais, selon moi, ce n’est pas la même chose. Emmanuel Macron est Président de la République et s’occupe du bien-être des français. Il n’est évidemment pas encore candidat à sa succession…Un certain récent dîner à l’Elysée le démontre. (https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/depassement-unite-elargissement-les-coulisses-du-diner-de-la-macronie-a-l-elysee_AN-202109300203.html).
A très bientôt
Frédéric