Coopération culturelle & internationale
Le dictat des excités et les souffleurs de braises
Le dictat des excités et les souffleurs de braises

Le dictat des excités et les souffleurs de braises

Je trouve que le monde est devenu assez étrange et a changé rapidement. En effet, historiquement, et surtout en France, on aimait le débat, intellectuellement riche, arguments contre arguments. Manier la langue, développer des idées, ciseler ses phrases, utiliser l’humour, étaient autant de façons de débattre avec finesse. Même avec des désaccords profonds, les débatteurs pouvaient garder un certain respect mutuel. Peut-être est-ce là, la réflexion d’un vieux con mais regardez, par exemple, les débats Mitterrand – Chirac lors de campagnes présidentielles et vous pourrez comparer avec ce que nous pouvons vivre et entendre aujourd’hui.

Dans le monde actuel, on assène, on impose, on cherche à cliver, on fait taire, y compris en utilisant la violence. Aujourd’hui, tout le monde peut s’exprimer, et je trouve cela, sur le principe, bien. Toutefois, les gens ne comprennent pas qu’ils ne sont pas « experts » dans tous les domaines. Ils assènent donc leurs vérités ou réagissent, parfois dans l’insulte ou les menaces, aux « vérités » d’autres. Pour les médias et les politiques, les principaux fautifs sont les réseaux sociaux. Mais, et eux-mêmes, n’assènent-ils pas ? Les politiques le font couramment et les médias servent de courroies de transmission (cf. mon précédent article – Politiques et Médias : entre com’ & relais). Un premier exemple concret ?

En septembre dernier, invité des assises du journalisme, à Tours, Nicolas Hulot était la tête d’affiche d’un débat consacré aux responsabilités journalistiques face à l’urgence climatique. Il s’apprêtait à intervenir lorsque des militants féministes sont intervenus sur la scène en brandissant des pancartes et en criant. Ils voulaient ainsi rappeler les accusations de viol à l’encontre de l’ancien Ministre et actuel Président d’honneur de la fondation Nicolas Hulot. Il a d’abord essayé de discuter avec eux. Ils ont finalement été sortis par des vigiles mais ont poursuivi  de scander leurs slogans au dehors. Pour terminer, Nicolas Hulot a décidé de quitter les lieux et de ne pas intervenir.

Les faits qui lui sont reprochés, et je ne veux pas ici laisser penser que je le défends, se sont déroulés en 1997 et il en a été accusé en 2008. A cette date, après audition par les gendarmes, le procureur de Morlaix avait classé sans suite pour prescription mais aussi pour non établissement des faits.

Ce n’est évidemment pas la question du viol, totalement inacceptable, que je veux aborder ici mais le processus adopté, la forme prise. Un petit groupe criant le plus fort peut entraver l’expression d’un homme. Même si je ne veux pas faire un cours de droit, nous avons un système judiciaire en France. Une victime potentielle porte plainte devant les services de police. Ceux-ci investiguent, recueillent faits concrets et témoignages. Tous ces éléments sont ensuite transmis au Procureur de la République qui décidera si il y a lieu, au regard de la loi, de lancer une instruction. Si tel est le cas, un juge sera désigné pour, le cas échéant, porter le dossier devant un tribunal. Jusqu’à l’expression finale de ce tribunal, la personne incriminée est toujours présumée innocente. Alors, pourquoi, quelques personnes énervées s’érigent le droit d’ainsi bafouer cette présomption légale et de condamner une personne qui n’est même pas poursuivi ? Aujourd’hui, une personne, surtout si elle est connue, entendue lors d’une garde à vue, est immédiatement condamnée par la vindicte publique. Tout cela, bien entendu, avec le relais de médias qui se délectent de tels événements.

Je voulais vous présenter cet exemple aussi pour étayer mes propos liminaires : on ne parle plus sur le fonds, dans le respect. Désormais, on crie, on hurle, on assène sans argumenter, sans réflexions ni débats, voir on use de la violence, des insultes.

Selon moi, cette ambiance globale est principalement due à une conjonction d’éléments différents mais concordants. Tout d’abord les réseaux sociaux sur lesquels tout le monde peut presque dire tout et n’importe quoi. Heureusement, mais n’en a-t-il fallu des souffrances, il semblerait qu’une certaine prise de conscience soit en cours. Nous verrons bien, dans les mois et années à venir, si elle est suivie d’actes concrets.

En second lieu, il y a le couple Politiques et Médias. Je m’explique sur les Politiques. Le maître mot depuis quelques années est : clivage. En fait, il s’agit de faire en sorte de monter une catégorie de personnes contre une autre, voire de désigner des boucs émissaires, cause des maux de certains groupes ou lieux.

Pour illustrer mes propos, je vais concrétiser. Pour la droite républicaine et l’extrême droite (chut, il ne faut plus parler de fascistes), sur les questions de sécurité et de violences, la cible idéale est toute désignée : les musulmans. Il y a peu de temps, j’ai écouté une assez longue interview d’Eric Zemmour (et oui, même en complet désaccord, je pense, et le fait, qu’il est important d’écouter les arguments des autres et d’en connaître les contenus). Une partie (enfin je l’espère pour lui) de son futur programme économique : la ré industrialisation  de la France et, pour cela, le retour des étrangers dans leur pays. On peut ainsi économiser sur les prestations sociales et, donc, pouvoir investir. Sur la question de la justice, je vous laisse deviner…le retour des étrangers dans leur pays afin de libérer des places des prisons. Je vous jure que c’est vrai et, encore, je ne cite pas tout.

Pour la gauche de la gauche, la cible principale est : les riches et le patronat. Pour les sociaux libéraux, et bien, on ne sait plus vraiment quel est leur point de clivage tant on manque de visibilité sur leurs positions. Récemment, la candidate socialiste, plutôt que de tenter de jouer la carte de l’apaisement, de la réflexion et des propositions, est entrée dans l’arène du combat frontal et brutal (je précise ici que « Guignol » est un personnage de marionnettes lyonnais créé au XIXème siècle).

Pour Emmanuel Macron et son parti, les cibles changent en fonction des situations qu’il a à gérer. Ainsi, par exemple, lors des mobilisations des gilets jaunes, et je ne parle pas des imbéciles n’ayant en tête que de casser, les plus virulents (peut-être aussi les plus désespérés) étaient désignés comme causes des malheurs des commerçants et de familles voulant se promener tranquillement et faire du shopping sur les Champs Elysées. Dans la même idée, plus récemment, concernant la crise sanitaire, il a réussi à opposer les vaccinés et ceux qui choisissent de ne pas le faire.

Pour terminer, le climat actuel se radicalise, les clivages sont de plus en plus présents dans notre société et les violences se banalisent. Si je ne pense absolument pas que tout cela soit organisé, je pense, malgré tout, que certains jouent avec le feu. Je m’explique. Certains ne voient pas d’un mauvais œil une extrême droite forte, presque certaine d’être au second tour lors de la prochaine présidentielle. Il faut donc poursuivre cette situation de clivages afin qu’elle puisse continuer à recueillir les voix des français de plus en plus exaspérés. Ainsi, cela assurerait une élection (ou une réélection) presque certaine pour l’opposant à l’extrême droite.

Une telle stratégie est toutefois très dangereuse. En effet, une élection n’est jamais assurée Pour moi, le danger ne se situe pas sur les intentions de vote des français. Il repose sur une dimension qui est très difficile à maîtriser, l’abstention. En effet, une population souffrant, et se paupérisant, depuis des années, dont les espérances de 2017 n’ont peut-être pas été satisfaites, dont les libertés auront été pas mal écornées (à juste titre ou pas), dont les thèses extrémistes ne sont pas la réponse adaptée, qui cherche toujours le nouveau monde promis et qui ne peut que constater que l’ancien est encore bien là et s’accroche, qui déprime de plus en plus, qui a l’impression ancrée (réelle ou pas) de toujours avoir plus de difficultés en fin de mois, ira-t-elle voter spontanément et le sourire aux lèvres ?

Personnellement, j’ai quelques doutes, le tout accompagné de pas mal de craintes, pour notre avenir commun.

N’hésitez pas à commenter.

A bientôt

Frédéric

Un commentaire

  1. René Kollwelter

    le monde. mais surtout la France est en train de se « hystériser ». . Où est passé le pays des droits de l’homme, des Lunières, celui qui était un phare au moins intellectuel, de l’Europe entière.

    Maintenant la scène est occupée en permanence par des nuls, qui détestent tous ceux qui n’ont pas un passeport français, qui voient dans l’autre un ennemei potentiel. Insupportable.

    Quo vadis?

    salutations
    rené k

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