Par rapport à l’accès à l’emploi, régulièrement et à juste titre, on met en avant les difficultés que les jeunes rencontrent. Autour du même sujet, souvent avec quelques gênés, on parle de discriminations à l’embauche par rapport à un nom de famille, un prénom ou encore une couleur de peau. Personnellement, et cela a été démontré à plusieurs reprises, je pense que cela existe. En effet, je crois que certaines entreprises veulent employer un personnel expérimenté mais en payant le moins possible. D’autres vont être ennuyées d’intégrer, dans leurs équipes, des personnes n’entrant pas forcément dans le schéma français classique, dit « normal ».
Mais tel n’est pas ici mon propos. Je veux développer la question de la discrimination à l’emploi des, je déteste ce mot, « seniors » en France. Selon le dictionnaire Larousse, il s’agit de personnes de plus de 50 ans. Toutefois, pour certains, le Pôle emploi, par exemple, l’avoue en off, la catégorie commence dès 45 ans. Pour d’autres, les personnes concernées ont 55 ans et plus.
Concernant ces derniers, je m’appuie sur une étude de la DARES (Direction de l’Animation, de la Recherche, des Etudes et des Statistiques) du ministère du Travail, de février 2021. Les chiffres montrent ainsi que le chômage touche les 55 – 64 ans plus fortement qu’auparavant. En effet, le taux de sans-emplois est passé de 4,2 % en 2003 à 5,9 % en 2020. Les chômeurs de plus de 55 ans sont également davantage touchés par le chômage de longue et de très longue durée. En moyenne, la durée d’inscription des demandeurs d’emploi était de 713 jours pour les plus de 55 ans, au 3ème trimestre 2020, soit plus de deux fois plus que pour l’ensemble de chômeurs (315 jours). Il existe, par ailleurs, des disparités entre les hommes et les femmes. Le taux de chômage des femmes s’élevait, au troisième trimestre 2020, à 6,1 % contre 5,6 % pour les hommes. La durée moyenne d’inscription était également supérieure chez les femmes (736 jours) que chez les hommes (685 jours).
Au niveau de l’Union européenne, la France est l’un des pays de la zone Euro où le taux d’emploi des 55 – 64 ans est le plus faible. En 2019, la part des actifs en emploi au sein de cette catégorie d’âge, en France, était inférieure de 7 points par rapport à la moyenne des pays de la zone Euro (53 % contre 60 %). C’est au sein de la classe d’âge 60 – 64 ans, que la France accuse un retard conséquent en comparaison des autres pays européens. Seulement 33 % des français de cette classe d’âge sont en emploi, une part inférieure de 13 points à la moyenne de la zone Euro. Une des explications est certainement l’âge légal de départ à la retraite fixé, en France, à 62 ans. Pour terminer, la lecture du graphique des taux d’emploi des 55 – 64 ans, en 2019 et au sein l’Union européenne, montre que les 5 pays les plus performants, bien loin devant la France, sont principalement des Etats nordiques ou à l’est de l’hexagone (dans l’ordre, ce sont la Suède, l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande).
Après 50 ans, donc, on fait partie des premiers licenciés en cas de plan social (les salaires sont souvent et logiquement plus élevés que ceux des « petits nouveaux ») et, une fois au chômage, on y reste plus longtemps que les autres, quant on retrouve un emploi bien entendu ! Quelles sont les principales causes d’un tel constat ?
Selon moi, en premier lieu, la raison économique vient à l’esprit d’un possible employeur. En effet, la réception d’un CV, bien fourni, venant d’une personne de plus de 50 ans, doit inspirer immédiatement une interrogation sur les prétentions salariales, forcément élevées, du postulant. Cet « a priori » ne peut qu’engendrer une pensée négative, sans même que la question soit directement posée au candidat. On peut aisément imaginer, alors, que démarrer un processus de recrutement sur une telle base n’est pas de bon augure pour la suite.
En second lieu, et cela dépend évidemment du secteur d’activité, l’âge peut faire penser à de possibles difficultés physiques, un manque de dynamisme, une moins bonne réaction au stress, une réactivité émoussée, des capacités intellectuelles diminuées… En bref, une personne de plus de 50 ans serait moins productive qu’une autre de 30 ou 40 ans, par exemple. Là encore, de telles réflexions reposent sur des a priori et des généralités en oubliant les avantages des expériences accumulées au cours des années.
Bien évidemment, les points que je présente ne reflètent pas les réflexions de tous les employeurs, de toutes les situations. Je ne veux pas, à mon tour, généraliser à l’extrême mais je pense vraiment qu’il existe un aspect discriminatoire dans l’employabilité des « seniors ». Discriminatoire et contre-productif…
Contre-productif pour la société. En effet, selon une étude de l’INSEE, faite en 2015 – 2016, la durée moyenne espérée de scolarisation d’un enfant âgé de 2 ans est estimée à 18,3 années. Prenons le cas d’une personne suivant des études supérieures, on peut ajouter aisément 3 ou 4 ans, nous arrivons donc à 22 années d’études, en moyenne. Comme on le sait, en France, l’éducation est largement gratuite (une récente note de la Cour des comptes stipule d’ailleurs que son coût est très élevé) et, donc, l’investissement de l’Etat est, pris individuellement, important pour la formation complète d’une personne. Imaginons donc que, cette même personne trouve un emploi immédiatement, elle a donc 24 ans. Au regard des éléments que j’ai précédemment cités, si elle perd son emploi à 50 ans, et aura donc beaucoup de mal à en retrouver, l’investissement de la formation aura été efficace 26 ans (presque autant que la durée d’instruction initiale). C’est pour cela que je parle de contre-productivité puisque, normalement, tout investissement doit avoir une logique de rapport positif.
Des solutions ? Revaloriser l’expérience acquise durant toute une carrière auprès des employeurs potentiels avec, pourquoi pas, des aides spécifiques pour ceux qui emploient ; mettre en avant que, du fait que la durée de vie se prolonge en bonne santé, à plus de 50 ans, on conserve de très bonnes capacités physiques et intellectuelles ; accepter, pour les personnes concernées, une certaine souplesse salariale ; encadrer les reconversions et ouvrir le système de l’alternance aux personnes de plus de 50 ans ; plus de flexibilité sur l’âge de départ à la retraite. En effet, si, pour certaines professions pénibles et en fonction de l’âge d’entrée dans la vie active, 62 ans est adaptés, je pense que pour d’autres, moins difficiles, des marges peuvent être envisagées. Chacun, en fonction de ses capacités, pourrait alors décider du moment de son départ. Là aussi, je peux comprendre qu’un employeur puisse hésiter à embaucher une personne de 58 ans avec, comme perspective, de pouvoir en « profiter » uniquement pour 5 ans.
Il y a certainement d’autres idées, solutions… N’hésitez pas si vous en avez à m’en faire part, je transmettrai.
A bientôt.
Frédéric