Alors que la droite suédoise va prendre le pouvoir en acceptant, comme « strapontin », le soutien d’une extrême droite au passé plus que sulfureux, on a tendance à oublier le mouvement de fonds en cours dans toute l’Europe.
Déjà, deux pays membres de l’Union européenne sont dirigés par des droites, « très à droite », flirtant même avec des thématiques extrêmes. En effet, la Pologne et la Hongrie se sont, très officiellement, positionnées contre le droit à l’avortement ou la reconnaissance des droits des personnes LGBTQ+, et je ne parle même pas vis-à-vis des étrangers. Ces deux pays n’osent pas aller jusqu’à l’interdiction de l’avortement, par exemple, de crainte de se trouver hors des clous des principes fondamentaux de l’Union européenne et de risquer des sanctions (y compris financières) importantes. On peut aisément penser que de telles voies pourraient attirer d’autres Etats dirigés par de ce type de droites.
Dans le cas de la Suède, ce qui est le plus marquant, pour quelqu’un comme moi, pas spécialement spécialiste des pays nordiques, est la déconnexion entre son image (un pays calme, social-libéral, ouvert, accueillant…) et les résultats de ces législatives. Selon moi, il y a eu un choc de constater que, même là, les thèses d’extrême droite avaient à ce point percées. Avec un autre constat, la rapidité avec laquelle le processus a progressé. En effet, héritier d’un groupe néofasciste en 1988, le parti nationaliste s’est peu à peu banalisé dans le paysage politique suédois pour entrer au Parlement en 2010 avec 5,7% des voix. Il a grimpé à chaque élection pour, donc, arriver en seconde position, ce 11 septembre, avec 20,5%. Avec 3 sièges d’avance (176 contre 173 à la gauche), ce sera donc le parti d’extrême droite qui fera « la pluie et le beau temps » dans les décisions du gouvernement dirigé par la droite. Personnellement, cela me fait « froid dans le dos » mais ce n’est pas fini. Je vais poursuivre mon tour de l’Europe.
Après la Suède, je vais vous amener beaucoup plus au Sud. Le 25 septembre prochain, auront lieu les élections législatives en Italie. Et là, qui caracole en tête des sondages ? Giorgia Meloni, leader du mouvement nationaliste Fratelli d’Italia. Malgré son passé au sein des sphères post-fachistes et ses nombreuses déclarations polémiques, voire plus, elle pourrait devenir la première ministre italienne. Avec la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Berlusconi (quelle alliance !), ils sont crédités d’environ 46% des intentions de vote. Espérons juste que, une fois de plus, les sondages se trompent… Sinon, le 26 septembre, cela fera 4 Etats sur les 27 de l’Union européenne de ce bord politique.
Partout en Europe, ces idéologies d’extrêmes progressent. En France, elles étaient présentes au deuxième tour des deux dernières élections présidentielles avec, au 1er tour, presque 30% des votes et 89 députés lors des dernières législatives, du jamais vu dans l’Histoire de la Vème République. Aux Pays-Bas, en Autriche et en Belgique (surtout en Flandre), ils avancent d’année en année. Même en Allemagne, l’AfD, le parti d’extrême droite, a réussi à entrer dans 15 Parlements (sur 16) des Etats fédéraux (les Länders) et était le principal groupe d’opposition au Bundestag, avec 12,6% des voix obtenus, entre 2013 et 2017. Là aussi, leur mouvement est clairement en marche. Il est d’ailleurs possible de les retrouver, presque tous, au Parlement européen où, faute de quelques menus désaccords, avec environ 100 députés, ils pourraient représenter la 3ème force politique de l’Assemblée. Au regard des funestes tendances actuelles, on peut malheureusement imaginer une amplification du mouvement pour les européennes de 2024.
Cette situation m’amène à plusieurs réflexions que je souhaite, ici, partager avec mes lecteurs.
Tout d’abord, ce qui me marque, c’est qu’ils développent leur stratégie sur le temps. A l’inverse des partis traditionnels, ils ne réfléchissent pas seulement à la prochaine échéance électorale. Ils se prennent un revers dans les urnes, ils sont un peu déçus, puis ils repartent pour la suivante dans l’objectif de constamment « grappiller » des voix et des fauteuils. L’objectif final, bien entendu, est le Pouvoir. Pour en faire quoi ensuite ? A cela, je n’ai pas la réponse mais quelques idées et craintes.
Ensuite, on l’a vu avec la Suède ou l’Italie, quand ils partent de mouvements fascistes, ils utilisent les années, ou décennies, suivantes à mettre en œuvre leur processus de « dédiabolisation ». Profiter des différentes crises (2008 ou la Syrie, par exemple) de l’appauvrissement des populations, du chômage, de la délinquance, des attentats…pour mettre en place, auprès des plus crédules, des discours reposant, en bref, sur « vous voyez, les autres ne font rien pour vous, nous, nous vous comprenons et sommes à vos côtés, proches de vous ». Et, dans des systèmes de pouvoirs verticaux, le discours gagne du terrain. Comme je l’ai déjà dit dans un précédent article, ce qui me marque est que, dorénavant, les personnes interrogées disent ouvertement voter extrême droite, ils le revendiquent même.
En revanche, là où je suis plus dubitatif, c’est le discours tenu par les médias. Plus d’extrême droite mais nationalistes ou droite de la droite, par exemple. Qu’ils s’en rendent compte ou non, leurs propos contribuent activement au processus de dédiabolisation et relais les idéologies extrêmes de manière volontairement, ou pas, édulcorés. Peut-être se font-ils manipulés ? Leur rôle n’est-il pas justement de prendre des informations, les analyser et de porter, au plus grand nombre et en toute impartialité quand c’est possible, le fruit de ces analyses ?
Pour terminer, je voudrais partager avec vous une vision du continent européen qui pourrait se dessiner à moyen/long terme. Deux blocs face à face, d’un côté une grande Russie, territorialement étendue et, heureusement, soit disant militairement puissante, dirigée par des oligarques et un homme fort (dont on voit le profil plus proche de Staline que de Gorbatchev). De l’autre côté, versant Ouest, une Europe dont les Etats seraient majoritairement dirigés par des gouvernements d’extrême droite, développant des armées puissantes et belligérantes, et des idéologies où l’européen (blanc évidemment !) est supérieur à tous les autres. Où le nationalisme serait le centre de toute politique, où serait reconnu la « présomption d’innocence » pour tous les policiers. Imaginez que dans le même temps, l’arrière (ou encore arrière) petit fils de Trump prenne le pouvoir aux Etats-Unis…
Bon, de nature optimiste, je ne veux pas le croire. Toutefois, comme pour la planète et son climat, Peuples, Politiques et Médias, il est temps de se bouger dès maintenant !!!
A bientôt.
Frédéric