Il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas constater que nous vivons une période particulièrement anxiogène. Sans être exhaustif, je peux citer l’inflation galopante, les incertitudes sur l’approvisionnement en gaz et électricité pour l’hiver qui arrive, l’augmentation des prix des carburants, les doutes qui pèsent sur l’avenir de nos économies, les inquiétudes quant au lendemain de certaines parties du monde (Taïwan, Iran, Chine…), sans oublier l’absence de visibilité sur le futur développement du COVID 19. Vous me direz que tout n’est pas aussi négatif, qu’il y a la coupe du monde au Qatar. Et, je fais quoi, moi, qui ne suis absolument pas intéressé par le football ? Je ne peux que constater que, pendant que certains jouent au ballon, la guerre continue en Ukraine… Et, cela m’a amené à quelques recherches et réflexions.
Tout d’abord, mis à part la Guerre de Bosnie-Herzégovine, entre 1992 et 1995, qui était un conflit d’une autre nature, depuis la seconde guerre mondiale, il n’y avait pas eu d’invasion armée violente et de cette ampleur, en Europe. Certes, il y a eu l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 mais, exception faite d’une résolution de l’ONU, il n’y a pas eu de guerre. Cette fois, devant l’agression brutale et surprise de la Russie, les pays de l’OTAN se sont mobilisés concrètement en soutien aux forces armées ukrainiennes. Cette fois, il s’agit d’un affrontement entre blocs, la Russie d’un côté, l’Occident de l’autre. Cette fois, les enjeux, comme entre 1939 et 1945, sont continentaux, sous couvert de la seule Ukraine. Cette fois, les puissances face-à-face sont nucléarisées et les risques sont mondiaux. A ce propos, on a pu constater à quel point les tensions sont fortes lorsque des missiles russes se sont récemment abattus sur le territoire polonais (pays membre de l’OTAN depuis 1999). Les responsables de nombreux pays du Traité de l’Atlantique Nord, y compris le Président polonais lui-même, ont très rapidement pris position pour une sorte « d’accident » militaire. En effet, conclure à une agression délibérée de la Russie aurait déclenché une réplique quasiment obligatoire et une escalade probable du conflit.
Depuis septembre dernier, les forces armées ukrainiennes ont lancé une contre-offensive qui semble, pour le moment, couronnée de succès. Territoires libérés, villes reconquises, le tout avec l’aide matérielle des pays occidentaux mais aussi leurs renseignements et les technologies actuelles permettant, entre autres, des communications sécurisées. J’ai même récemment lu que, dans les semaines à venir, des milliers (15 000) de militaires ukrainiens allaient être accueillis dans plusieurs pays européens pour y être formés aux techniques et stratégies modernes de combat. Il faut ici noter qu’il s’agit d’une première. En effet, ce n’est pas l’initiative de quelques Etats mais, suite à la décision, en octobre dernier, des Ministres de Affaires Etrangères européens, d’un véritable programme de l’Union européenne renouvelable annuellement. Espérons que cela ne sera pas nécessaire !
Toutefois, sur le fonds, je ne veux pas, ici, écrire le nième article sur la guerre en Ukraine. En effet, j’ai récemment appris, et j’avoue que je n’avais pas pensé à cet aspect des choses, qu’une véritable Résistance s’était organisée sur les territoires occupés par les russes. Avec l’appui de leurs propres services de renseignements, des civils ukrainiens ont mené des actions de contre-propagande, de sabotages et, surtout, de transmissions de données, sur les positions des occupants, aux troupes ukrainiennes. Il est avéré, de source militaire ukrainienne, que, par exemple, dans la reprise de la région de Kherson, des partisans (c’est ainsi que l’on nomme les résistants dans les pays de l’Est) ont fait parvenir des renseignements essentiels sur les mouvements des troupes russes rendant ainsi plus efficace l’offensive des militaires ukrainiens. On peut facilement imaginer que, dans les zones de combats actuelles, d’autres résistants agissent de même. Quand on connait les exactions des militaires russes sur le terrain, on imagine les risques pris par ces partisans, le courage et le patriotisme nécessaires pour agir ainsi.
Cela m’a amené à une question et à une réflexion personnelles : que ferais-je dans une telle situation ? Sans entrer dans un débat philosophique, je n’en ai pas les compétences, j’ai concrètement pensé qu’il y a finalement peu de positions possibles à prendre dans une telle situation. Selon moi, il est possible soit de collaborer, soit de résister activement, soit de jouer la « politique de l’autruche », à savoir subir une occupation, en accepter les contraintes sans se révolter et attendre une issue possiblement positive. En bref, j’appellerais cette dernière position : le « rester passif ». Depuis la seconde guerre mondiale, le terme de « collaborateur » est péjoratif. A juste titre, à la libération, ils ont été pourchassés et unanimement condamnés, devant la justice ou par l’opinion publique. Pour en revenir à l’Ukraine, sur les territoires libérés, des témoignages démontrent que la notion de collaboration n’est finalement pas aussi tranchée que cela. Qui est le véritable collaborateur ? Celui qui quitte le territoire pour s’enfuir avec les troupes russes ou celui qui a accepté les colis alimentaires distribués par les occupants faute d’accès à de la nourriture ? Pour certains ukrainiens, le simple fait d’avoir accepté quoi que ce soit des russes est un acte de collaboration. Est-ce collaborer que de travailler dans une administration sous le joug de l’occupant afin d’assurer un minimum de service public ? On le voit, comme bien souvent, tout n’est pas tout noir ou tout blanc…
A contrario, entrer dans la résistance active, concrètement, prendre les armes et se battre, nécessite un courage impressionnant et une abnégation certaine. Risquer sa vie, de souffrir dans sa chaire, pour le bien commun, pour lutter contre l’occupant, est un acte de bravoure qui doit être salué et plus que respecté. Tout cela est indéniable mais est-ce à la portée de chacun ? Je n’en suis pas certain…
Pour en revenir à ma question initiale et, chacun peut se la poser, je vous partage ma réflexion. Pour être tout à fait honnête, je ne pourrais devenir un collaborateur convaincu et actif au service d’un occupant. Pourrais-je résister comme partisan combattant ? Je ne sais pas ! Toutefois, comme nous l’avons su récemment en Ukraine et l’histoire de la seconde guerre mondiale nous l’a appris, il y a différentes formes de résistance (transmission d’informations, contre-propagande, manifestations, organisations de réunions…) pouvant être utiles à des forces armées engagées sur le terrain.
Comme l’a dit Jean-Michel Ribes (dramaturge, homme de théâtre, metteur en scène), « Résistance : mot inventé pour éviter aux hommes de vivre à genoux ».
Il ne s’agit certainement pas, ici, pour moi, de donner des leçons, simplement de mener une réflexion qui nous concerne, potentiellement, tous dans ce monde « compliqué ». Et vous, qu’en pensez-vous ?
A bientôt
Frédéric